les WEEK ENDs de Cep

Episode 1 – Ce que j’aime dans le vin

 J’ai de la chance.

Je n’ai fait aucune école d’œnologie ou de sommellerie.

Non que je dénigre ces formations (j’ai bien été à l’école moi aussi pour apprendre des trucs que j’ai mis du temps à oublier), mais parce que cela me donne une liberté d’esprit et de pensée non influencée par un courant, une mode, un professeur. Et donc un biais.

Je suis donc un Candide dans les vignes et les chais.

Mais un Candide qui a tout de même de la bouteille et un palais car je goûte à presque tout ce qui peut se boire depuis que je suis en âge de lever le coude. Et à mon âge cela représente beaucoup d’exercices physiques. Ce Candide travaille aujourd’hui pour une tonnellerie, après avoir passé sa vie professionnelle dans les avions, les salles de réunion, jet-lag et ordinateurs. Après la tête, le nez et les papilles. Belle prolongation.

J’aime le vin, autrement je ne serais pas ici à vous écrire, et paradoxe de la situation, je n’aime pas les vins boisés. Je ne supporte pas ce caramel teinté de vanille et de fruits exotiques qui donne à cette noble boisson des allures de boîtes de cigares, ou plus vulgairement de planches de menuiserie.

Aussi j’ai essayé de comprendre ce phénomène de « bois » et plus largement d’élevage, et décidé d’écrire une série de courts papiers sur la base de cette expérience. Pour le plaisir d’échanger et de partager, et pourquoi pas faire naître des envies ou vocations. Interpeller, sensibiliser. Surtout ne pas juger ou moraliser. Je n’ai pas la prétention ni le style. Je me considère plutôt comme un passeur et un conteur. Un ouvreur de portes. En voici quelques-unes… À quoi servent les élevages, et pourquoi tant d’idées fausses ? Chêne, châtaignier, acacia, amphores, terre cuite, verre… effets de mode ? Pourquoi différentes tailles de tonneaux, quels effets induits ? Impact de l’épaisseur des douelles (les « planches ») ? Le cintrage, un facteur clé méconnu, les chauffes…

Autant la vinification se maîtrise (relativement) bien et s’apprend à l’école, autant l’élevage du vin fait office de parent pauvre, ce qui m’a surpris lorsque j’ai poussé la porte de la cave. Et pourtant les amphores ne datent pas d’hier, les tonneaux non plus. Étonnant.

Mais avant toute chose, j’aimerais vous expliquer les vins que j’aime et ce que j’aime dans les vins. Les deux notions sont différentes.

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LES VINS QUE J’AFFECTIONNE

J’aime les vins d’homme, sur lequel je peux mettre un visage. Bien entendu ici l’homme n’est pas un genre, mais une « espèce ». Souvent de vignerons. Parfois maîtres de chai. L’Anglais dit « winemaker », le faiseur de vin. J’aime les vins de faiseurs. Tout petit j’étais fan de magie et d’Alchimie, de pierre philosophale. Le faiseur de vin est dans cet imaginaire. Un magicien pour adultes qui concocte des potions qui nous transportent.

J’aime les vins qui racontent des histoires, du cep de vigne originel à l’étape finale d’embouteillage. Qui font voyager, qui emportent ailleurs. Comme le vin délie les langues, c’est encore mieux quand le vin alimente le contenu des phrases et des conversations. Souvent le nom de la cuvée est comme le fil du pull-over qui dépasse. Il suffit de tirer doucement, et le livre s’ouvre. Tous les vins que je propose ont un fil. Tirez sur la chevillette et la bobinette….

J’aime les vins qui portent la signature de leur géniteur car le vin est avant tout le reflet du goût de celui qui l’a fait. De son idée, de sa quête. Boire un vin c’est faire la connaissance de celui qui l’a imaginé. Le début d’une rencontre, qui donne envie d’aller à SA rencontre. Aimer les vins c’est aimer les gens. Enfin je trouve.

Et enfin j’aime les vins à boire (ou qui seront bus). Le verre est sa destination finale, pas le coffre-fort ou la spéculation. Mais le plus souvent le vigneron n’y est pour rien. Cela ne veut pas dire que je me cantonne aux vins prêts à boire rapidement, dans le moment. Je pense qu’un vin est bon s’il est bon à toutes les étapes de sa vie. La palette organoleptique (qui touche aux sens) est large et ne se cantonne pas aux arômes. Le message d’un vin arrivé à maturité est différent, mais il possède dès la mise en bouteille son énergie, un ADN unique. Quand je lis « Ne pas boire avant 10 ans minimum » je passe mon chemin. Il n’y a pas de rencontre possible.

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CE QUE J’AIME DANS LE VIN

J’aime bien évidemment son premier abord, les parfums (ou arômes, on ne va pas se chamailler là-dessus) qu’il me propose au nez. Mais je préfère tout de même le mot parfum que je trouve magique, l’arôme étant plus analytique. Les parfums de sa vie comme dirait Art Mengo. Et sa vie est plurielle, même si parfois éphémère, le temps d’une bouteille. Les premiers effluves de l’adolescent timide, le vin à peine versé dans le verre, son développement au bout de quelques minutes, puis l’épanouissement qui laisse souvent un goût d’amertume car le flacon est vide ou proche de la fin.

  • Les notes peuvent être complexes car souvent multicouches (comme en parfumerie, notes de tête, cœur et fond). J’aime sentir le verre vide, c’est pour moi un marqueur important.
  • Comme je vais parler élevage, il y a bien sur les arômes de réduction qui parfois brouillent le dégustateur novice, il faut savoir l’isoler. Elle est simplement de passage et a son importance (quand maîtrisée et recherchée).
  • Mais il y a aussi et surtout tous les défauts possibles, aux noms de rongeurs ou plus savants, ou les nez dit déviants, pourquoi ce terme d’ailleurs, peut-être une sortie de route imprévue, ou les nez trop vulgaires, telle la banane tombée d’un seau de levures jeté à l’emporte-pièce. Tous ces défauts me gênent profondément, même si parfois ils sont affublés de l’excuse du «nature », mot dénaturé de nature à perturber l’amateur. Elle a bon dos la nature.

Au-delà des plaisirs olfactifs, j’aime par-dessus tout le côté physique du vin : son toucher, sa matière, son volume et son « espace de bien-être ». Je m’explique.

  • La première sensation de contact en bouche avec un vin peut être brutale, incisive et tranchante, ou à l’opposé caressante, suave, délicate. Veloutée. Tactile. J’imagine la pulpe vibrer sous la peau. Ce que j’appelle le toucher.
  • Au-delà de cette première sensation, sous la surface, il y a l’impression effective d’avoir la chair du raisin en bouche. Ou pas. Une densité, par opposition à la fluidité. Avec en arrière-plan les tanins, la structure de l’échafaudage, qui amplifient cette sensation ou qui lui enlèvent toute sève en desséchant la bouche. C’est la matière dans mon référentiel.
  • Puis son volume. Le vin est-il large, il me tapisse littéralement l’intérieur de la bouche, ou bien très longiligne? Quand je déguste certains vins j’ai parfois l’impression qu’ils ne veulent pas me déranger. Ils semblent me dire « Je suis de passage, surtout je ne m’attarde pas ». Plus vite avalé plus vite oublié. Un vin sans corps. Décharné. Ou alors, extrême opposé, il est athlète tout en muscle, encore serré dans son maillot, pas encore prêt à s’exprimer. Une puissance contenue. Long mais pas encore large. Question de temps. D’âge.
  • Et enfin ce que j’appelle son «espace de bien-être ». Dès l’attaque, le vin est présent, il s’installe. Généreux, il donne le bonjour à vos gencives, et ensuite étire son large corps jusqu’à dilater vos joues. Le milieu de bouche dans le métier de la dégustation. Puis avance sereinement. Sans rien relâcher. Tel un souverain il prend possession de l’espace disponible en prenant son temps. Il s’en va descendre dans la gorge, toujours très lentement et content de lui, en laissant une trace inoubliable de son passage. Vous avez alors dans le verre un vin élégant, ample et complet. Racé. Plénitude est le mot qui lui convient.
    • Parfois, le vin est «simplement » excitant, vif. Il est rafraîchissant, mais une fois passé la première étape il ne s’attarde pas. Il a été vinifié pour vous rafraîchir et étancher votre soif. Si tel était le but initial du vigneron, parfait.
    • Autre possibilité, le vin n’occupe que le milieu de bouche. Pas grand-chose à l’entrée, pas plus à la sortie. Souvent, ce sont des vins jeunes, ou embouteillés récemment, qui ne savant pas encore s’exprimer.
    • Dernier cas de figure, que je rencontre encore souvent, le vin est court. Trop court. Il commence bien en bouche, toute la cavalerie est là au rendez-vous, il s’élargit, mais patatras il s’écroule rapidement. Faute de munition. Petite déception. Mais qui peut se corriger comme nous allons le voir prochainement.

À très vite,

Bruno

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