c’était impossible, alors Eloï l’a fait…
Lumière dans le chai
Parcelle de Chardonnay
Grenache blanc en demi-muid (600 litres)
A quelques pas de Saint-Rémy-de-Provence,
… sur le versant nord des Alpilles se situe le Domaine de Trévallon, sur la commune de Saint-Etienne-du-Grès. Ici, le calcaire affleure partout… Il est omniprésent et façonne cette terre rude et sèche.
Autour du vieux mas, le vignoble s’étend dans cette nature vivante et préservée sur 17 hectares. Des travaux titanesques sont alors entrepris pour intégrer la vigne à ce paysage envoûtant de garrigue, de chênes verts, oliviers et amandiers. Les rochers sont dynamités, les sols travaillés en profondeur et les éclats de roches mélangés à la terre.
Eloi Dürrbach plante les premières vignes dans les Alpilles en 1973. 15 ha de rouges composés à parts égales de cabernet sauvignon et de syrah et 2 ha de blancs constitués principalement de marsanne et roussane. Le cabernet-sauvignon existait en Provence avant le phylloxera. Assemblé avec de la syrah, il pouvait donner d’excellents vins. Les deux cépages associés au terroir calcaire du Domaine donnent le style unique de Trévallon.
Bien sûr Eloi n’a pas fait d’études d’œnologie, donc pas de savoir omniscient, de certitude arrogante, d’idée toute faite, simplement le désir de faire un bon vin, naturel, c’est tout. Sûr de son choix et de l’histoire du vignoble des Baux, Eloi choisit le déclassement en vin de pays imposé par l’INAO plutôt que de trahir la personnalité de ses vins.
Et puis à Trévallon il y a l’art,
… il est omniprésent, l’âme de René Dürrbach plane sur Trévallon… Les nouvelles étiquettes de Trévallon sont sorties pour le millésime 96. Elles sont l’oeuvre de René Dürrbach, le père d’Eloi, disparu en 1999 à l’âge de 89 ans. Peintre et sculpteur, il fût l’ami de nombreux peintres dont Albert Gleizes pionnier du cubisme, Fernand Léger, Robert Delaunay et Pablo Picasso.
« Je lui ai confié 50 affiches et il s’est mis à dessiner dessus, selon son inspiration avec des crayons de couleurs. Chaque année, nous choisissons une étiquette dont le dessin correspond aux caractéristiques du millésime ».
Constitué de toutes pièces …
… les vignes n’ont jamais connu le poindre pesticide ne le moindre engrais. L’assemblage exclusif de Syrah et Cabernet Sauvignon n’est finalement que la reproduction géniale de ce qui se faisait de mieux en Provence avant le phylloxéra. Ce choix délibéré d’Eloi Dürrbach s’est accompagné d’un déclassement du vin en IGP Vin des Alpilles. À l’instar d’un Grand Cru Classé, les vins du domaine offrent une très longue garde : à la dégustation on se souviendra longtemps de cette fine structure de velours et de son incomparable longueur, de son bouquet de fruits noirs, d’olives et de senteurs provençales. Depuis le millésime 1996, et ceux tous les millésimes suivants, une nouvelle étiquette créée par René Dürrbach, est présentée par mettre en valeur les caractéristiques du millésime.
Le domaine produit également un blanc à base majoritaire de Marsanne. Je l’affectionne tout particulièrement. Pas simplement parce qu’il est élevé dans des fûts que je connais bien. Il représente pour moi la quintessence des beaux blancs du sud : de la tension, une bouche droite et très longue, petit à petit il dévoile des gammes de parfums subtils et complexes. Et il est bon à tous les âges, car c’est un vin, qui comme son grand frère rouge, vieillit admirablement. Chaque année il fait un pas de plus vers la perfection.
Texte écrit en Avril 2025
… Le domaine caché au fin fond des Alpilles que personne ne pouvait visiter et dont on prononçait le nom avec respect. Que l’on chuchotait presque. Trévallon. Même pas Domaine de… Non, Trévallon tout court. Cela suffisait. Son créateur Éloi était un Chevalier auréolé de mystère, celui qui avait osé dire merde aux notables des appellations pour lancer son domaine, loin de toute contrainte. Le regard ténébreux, les mains larges. Puissantes. Tel un Lancelot ou un Perceval qui aurait quitté Brocéliande pour s’établir dans le Sud.
J’imaginais aussi des minuscules parcelles de vignes que je découvrais au détour d’un sentier, cachées derrière des oliviers centenaires. L’odeur de thym de romarin, de garrigue. Les grillons, les papillons. Et un soleil d’or, de plomb, qui rôtissait des raisins gorgés de jus odorants…
Alors, imaginez mon état d’esprit la première fois que j’ai passé la grille du domaine, il y a quelques années de cela. Un gamin qui allait découvrir son Peter Pan, poser son pied sur l’île imaginaire. Le tic-tac de ma montre résonnait étrangement.
Depuis c’est toujours la même émotion. Éloi n’est plus là, il a rejoint les autres Chevaliers de la vigne, Alain, Laurent et beaucoup d’autres, et tous dégustent ensemble les Grange, Crozes ou autre Alpilles qu’ils vénèrent. Mais son empreinte y restera éternelle, Ostiane et toute l’équipe veillent…
Tout ici respire le calme.
L’entrée où l’on découvre moult quilles vides montre à quel point le vin est ici vénéré. Au milieu des Montrachet et des GdP il y a même le petit nouveau du coin, le Clos de Jacques de l’ami Aimeric, qui vinifie au domaine depuis presque 20 ans maintenant. Sur la droite la cuisine avec la grande cheminée de pierre blonde où tous se retrouvent pour le déjeuner… Elle aussi témoigne de l’amour des grandes bouteilles.
Ensuite il y a le sas vers la partie « technique », sombre et fraîche, on devine les bouteilles qui se reposent. Au fond vers la gauche une lumière bleutée. On avance. Le chai est irréel, la lumière qui allume les stries métalliques de l’intérieur dessine épées ou sabres laser qui pourfendent les hérétiques imperméables à la magie du lieu. On arrive dans le chai de vinification et d’assemblage, ici les vins y sont mis en masse avant embouteillage. Sur la droite un petit escalier qui descend dans les entrailles de la terre. Là ou les grands foudres de rouge assagissent pendant deux ans les syrahs et cabernets sauvignons.
Mais d’abord détour par la cave où le blanc est élevé. Derrière des hautes cuves inox. Les blancs devrais-je dire car ici chaque cépage, chaque parcelle est élevée séparément. Les noms sont écrits à la craie sur les barriques et autres demi-muids. 228, 350, 600 litres. De différentes essences de bois. La Marsanne Chabert, la plus vieille plantée par Éloi, la Terre qui tourne ou qui descend, le Jas droit. Ou encore clairette, chardonnay, roussanne, grenache blanc ou muscat. Chacune est goûtée régulièrement, méticuleusement. L’assemblage final sera testé l’été suivant et donnera naissance à une cuvée unique.
Ensuite, après avoir dégusté chacun des fûts, la descente vers la « crypte » se fait en silence. La bouche toujours imprégnée des arômes de la Marsanne. Ou du Cinsault, cépage en test au domaine. Un étonnant bonbon aromatique.
L’odeur qui y règne donne le sourire. À chaque fois le même petit frisson. D’impatience, de fraîcheur, de curiosité. Ici aussi les deux cépages sont élevés séparément, parcelle par parcelle. Le vin de l’année et celui de l’année précédente. Humer, faire tourner le vin en bouche, cracher, échanger ses impressions… Un moment hors du temps. On y perd toute notion.
Chaque millésime est un mystère, les vins de Trévallon sont sur une autre planète. Marco Delienne (Fleurie), qui a vinifié ici quelques années, me disait que les rouges se faisaient quasiment seuls tellement les différents terroirs des Alpilles étaient remarquables. Aussi parce que les vignes ont été bien travaillées et chaque pied remarquablement sourcé il va de soi. Elles n’ont jamais vu de chimie, mais Trévallon ne revendique rien. À quoi bon. Et pour qui d’ailleurs ?
Les derniers millésimes sont maintenant sur le marché (quelques bouteilles en ligne), 2022 pour le Rouge et 2023 pour le blanc. Je ne vais pas les raconter dans le détail car j’aime laisser la surprise faire son effet. Je peux simplement vous dire que le blanc (sur ce millésime beaucoup de raisins mais peu de jus, il a fait très chaud) est puissant et concentré (plus que 22) et toutefois équilibré. Gorgé de fruits mûrs. Magie de l’équilibre entre jeunes et veilles vignes, et d’un élevage aux petits oignons. Bouteille grandiose mais rarissime (24 sera encore plus rare) .
Avec une année 2022 très chaude on pouvait s’attendre à un rouge dans la lignée des millésimes concentré et tanniques, je pense à 2007. Paradoxalement il est presque aimable dans sa jeunesse, alors que son prochain petit frère de 2023 est concentré au possible (millésime de très longue garde). Je qualifierais donc ce dernier de raffiné. Motus et bouche cousue du 24 qui est ou sera… surprenant.
La flamme n’est pas prêt de s’éteindre…
Les millésimes de blanc
Ils partent tous très vite….
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