Vignes Vin et écologie

« Nous avons aujourd’hui le climat pour produire les vins d’hier alors qu’hier nous avions le climat pour produire les vins d’aujourd’hui ».

Hier nous aimions, et nous ne savions peut-être pas faire autrement, les vins puissants, taniques, boisés, faits pour le vieillissement. Mais la météo était plus fraîche. Alors nous faisions des vins à renfort de technique, de sucre (chaptalisation), d’œnologie. Chimie à la vigne, levures et intrants à la cave. Les temps étaient froids, les vendanges tardives, des barriques à la Bordelaise. Un peu éloignés des canons de l’écologie, ou plutôt de la biologie actuelle. Les vignes recherchées étaient exposées Sud, en plaine, sur des sols de galets comme à Châteauneuf du Pape. Par ailleurs un bel exemple de l’évolution des 30 dernières années. Nous aimions les Bordeaux par-dessus tout. L’âge d’or de Parker et consorts.

Aujourd’hui l’eau est rare, le soleil beaucoup plus lourd, la vigne stresse et produit des raisins concentrés en sucre (et donc en alcool), alors que nous cherchons des vins plus infusés qu’extraits, gorgés de fruits, faciles à boire, à associer avec une cuisine élargie à la world-food. Le vin du dimanche de beau-papa, en plus souvent bouchonné, est devenu la « quille glouglou » que l’on boit plus fraîche.

Rapide résumé, mais qui en dit long sur la « révolution » culturelle des 20 dernières années. Des dix même.

La demande a changé, le profil des vignerons aussi. Sans en chercher à trouver la source /cause/raison, le « green », l’écologie est désormais dans tous les esprits, y compris dans l’industrie du vin.

Traditionnellement la viticulture est très consommatrice de produits chimiques et donc pas très écolo : à la vigne de nombreux traitements pour désherber / fortifier / lutter contre les maladies (Mildiou, oïdium…). Le phylloxéra a eu comme conséquence de tuer les vignes françaises, mais en second effet kiss-cool de favoriser l’emploi et donc l’abus de « Traitements ». Culture intensive, il faut produire plus, donc des rendements forts, déforestation, desherbement, tracteur… La terre a été massacrée.

Sur les bouteilles les capsules étaient en plomb, les étiquettes couvertes d’encre et de colle, les bouchons…

En cave idem, il fallait extraire, donner tout de même des arômes de fruits, et donc levures plus ou moins artificielles pour accélérer les fermentations alcooliques. Les levures sont des exhausteurs et apporteurs de parfums (la banane du Beaujolais), du sucre pour augmenter l’alcool, de l’acide tartrique pour l’acidité (équilibre alcool / acidité) et du SO2 (les sulfites) pour conserver (empêcher l’oxydation) et retendre les vins. Surtout les blancs. Donc un vin auparavant fait d’un peu de raisin et de beaucoup d’autres choses. Je ne parle des barriques en chêne qui servaient à l’élévage, qui devaient avoir les arômes vanille / caramel du Jack Daniels d’aujourd’hui.

Aujourd’hui à la fois les goûts ont changé, les coutumes également.

L’avènement du bio, de la biodynamie, du nature.

Un peu de pédagogie.

Certains jeunes vignerons ont voulu casser la spirale infernale, inspirés par les travaux de Jules Chauvet, Jacque Neuport et autres. Les Marcel Lapierre, Eric Pfifferling et autre Pierre Overnoy.

Moins de chimie pour plus de pureté dans le verre.

Ils se sont rendu compte que pour faire de beaux vins propres il fallait de beaux raisins, et donc une vigne irréprochable, sans traitement car les engrais et autres glyphosates se retrouvent à l’analyse dans le vin.

Le bio est arrivé à la vigne. En deux mots : quasiment pas de chimie, des traitements naturels, cuivre, soufre naturel…

Avec Rudolf Steiner est né le courant de la biodynamie. La terre est vivante, il faut la respecter, son écosystème et les influences d’astres comme la lune. Les flux d’énergie. Beaucoup ont dénoncé une forme d’ésotérisme et de poudre de perlin pinpin, on n’y est pas encore. La biodynamie parle de jours fleur / fruit / racine, de décoctions, d’engrais animal à base de bouse.

Au départ, en principe, bio et biody concernaient le raisin, pas la vinification. Mais rapidement sont venues des normes restrictives sur les intrants en cave.

Le courant « nature » est plus orienté vinification : en résumé zéro intrant zéro souffre. 100 % jus de raisin. La porte entre-ouverte à des déviations aromatiques quand le raisin n’est pas parfait et la cave d’une hygiène irréprochable, les jus n’étant pas protégés. Et donc des défauts potentiels multiples qui ont fait moult cuvées au délicat parfum de cul de cheval. Beaucoup ont poussé le bouchon un peu loin, s’en sont rendu compte et  et aujourd’hui ont un peu réduit leur diktat.

Aujourd’hui la plupart des revendiqués « naturel » sont aussi bios. Pas de statistiques, car beaucoup sont proches du nature sans le revendiquer car les premières images du naturel ont été ternies.

On estime à environ de 15 % à 20 % des vignes françaises converties au bio.

Inconvénients : baisse de rendement (entre 20 et 25 %), plus de travail en vigne (jusqu’à une trentaine de passages par an contre 3 à 5 en traditionnel), un décavaillonnage manuel, et donc un prix accru. En période inflationniste, pas la panacée. En règle générale, les terroirs secs sont plus faciles à travailler en bio, la pluie lave les traitements et oblige à repasser.

Beaucoup de domaines ne sont pas labellisés bio, mais sont  très raisonnés dans leur approche, et ne le clament pas. Je dirais donc personnellement plutôt un petit tiers.

Les Pierres Sèches

Parlons vignerons

J’en vois aujourd’hui trois profils :

  • Les anciens / « tradi », ou encore très présents sur les décisions.
  • Les fils d’anciens qui veulent revoir du sol au plafond et qui ont les coudées franches.
  • Les « recyclés », qui y viennent par passion, jeune ou moins jeunes.

Les deux dernières catégories sont très sensibles au bio, à la sauvegarde des sols. On reparle agroforestation, on replante des haies, des fruitiers. Le cheval revient dans la vigne, l’herbe et les fleurs aussi. Tout à l’heure nous verrons les actions entreprises pour pallier au changement climatique.

En vinification on parle plus d’infusion que d’extraction, de finesse et de droiture plutôt que puissance, de pureté en bouche, sans déviance, de cuvées parcellaires pour mettre en avant le terroir, les vieilles vignes

En parallèle les consommateurs (nos jeunes d’aujourd’hui qui seront nos vieux de demain), boivent moins de vin, et des vins différents. Ils recherchent l’accessible, le plaisir, pas prise de tête. Le « Glou-Glou ».

Moins d’alcool, moins de tannins et de bois.

Plus personne n’achète de vin pour ses petits-enfants. En auront-ils d’ailleurs ?

La consommation par tête est passée de 53 litres en 1999 à 38 litres en 2019/2020. Dans les années 70, 120 litres, soit trois fois plus. Pendant que la taille du vignoble doublait. On boit beaucoup moins, mais beaucoup mieux.

Clairement on produit trop en France. Seule sortie possible : par le haut.

Ventoux

Quid des changements climatiques sur ces vins ?

Les changements actuels ne facilitent en rien le courant bio.

Le froid (gel), la grêle, les hautes températures estivales, le manque d’eau. Les raisins souffrent, surmaturité et donc plus d’alcool, concentration, rendements plus faibles. Derniers millésimes en berne. Le panorama n’est pss très joyeux, les besoins en trésorerie prennent le pas.

Quelques pistes de recherche sont menées toutefois  :

  • Tests de nouveaux cépages, ou d’anciens  cépages oubliés, des cépages méridionaux considérés comme secondaires auparavant, plus tardifs, moins alcooleux, capables d’apporter fraicheur au vin : mais l’INAO est très lente à réagir (trop) : donc beaucoup plus de Vins de France libres de leur encépagement.
  • Plantation de nouveaux terroirs, plus orientés Nord et en altitude (>300 m). Toujours la même recherche de fraîcheur.
  • Optimisation de l’eau : l’arrosage fausse bonne idée : la vigne ne descend pas en profondeur.
  • Test sur taille de racines, justement pour « descendre » plus en profondeur, retour des tailles de vigne en gobelet pour protéger le raisin…
  • Densité de plantation, enherbement, tout l’écosystème inter-rang afin d’aérer le sol et conserver son humidité , de faire renaître le sous-sol….
  • Le vigneron a beaucoup d’idées, le législateur un peu moins…

Mêmes réflexions et tests en cours sur les contenants :

  • Nouveaux bouchons
  • Réflexion sur les BIB (poche en aluminium)
  • Recyclage / consigne des bouteilles en verres (depuis la guerre en Ukraine les prix ont été multipliés par 2 voire 3).
  • Cire afin d’éviter des capsules trop chères et polluantes… Certains vignerons ont leurs propres ruches.

 L’avenir  est à construire, mais il passera certainement par une approche plus raisonnée et « propre », une meilleure adéquation entre l’offre et la demande par une qualité accrue. Et donc un changement de paradigme qui pourra être assez violent pour certains acteurs (les caves coopératives par exemple). Un petit exemple. L’appellation Cotes du Rhône vient officiellement de réduire son rendement pour passer de 51 à 41 hectos / hectare, pendant que le prix d’achat de l’hecto en vrac descend au-dessous de 100 €. Soit un revenu inférieur à 4.000 € l’hectare à l’année pour le vigneron. Une misère…

Et pendant ce temps la Grande Distribution qui n’ a rien compris continué à tordre le cou aux différents acteurs pour une bouteille encore moins chère. Le futur n’est pas dans le dumping…

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