Souvent mes amis ou clients me demandent de leur expliquer les vins que j’aime et que je recherche

Tout d’abord je ne cherche pas un vin. C’est plutôt lui qui vient à moi. Chercher un vin revient généralement à s’appuyer sur un catalogue de critères basés sur des connaissances personnelles, sur des guides, des articles lus ou des recommandations. J’essaie de m’en extraire, et plutôt me laisser guider par des conversations échangées, porter par des intuitions. Des petits hasards de la vie qui me font croiser des signaux faibles. Qui soudain titillent une vibrisse, allument un voyant. J’ai la chance de baigner à longueur d’année dans un écosystème de vignerons, maîtres de chai, œnologues, épicuriens ou amateurs. Dans chaque discussion il y a toujours un petit fil qui dépasse à saisir. J’ai entendu parler de, j’ai un copain qui, j’aimerais tester ceci, j’ai une petite parcelle…

Être au bon endroit et être réceptif. Savoir tirer sur le fil fugace…

Ensuite, lorsque je goûte pour la première fois un vin, j’essaie de m’abstraire de tout ce que je connais. Les premières odeurs familières (ou pas) qui me parviennent ne sont que les prémices de la rencontre, je n’y prête pas beaucoup d’attention. Sauf si défaut évidemment, sachant que pour moi un défaut peut être « physico-chimique », une déviance, une volatile (trop d’acétique), un TCA (bouchon) mais aussi un défaut d’élevage trop prononcé. L’odeur de bois marqué et de vanille me fait sursauter et ne me donne guère envie d’aller plus loin.

Le plus important se passe en bouche. Et la bouche est complexe… qu’il faut apprendre à décoder. C’est un organe d’échange, de conversation, aux capteurs complexes, capable de parfaitement distinguer les cinq saveurs fondamentales, le sucré, l’acide, le salé, l’amer et l’umami, mais aussi (devrais-je dire surtout) les sensations de douceur, de velouté, d’agressivité, ou encore le volume, la rondeur ou l’étroitesse d’un jus… Je pourrais aussi parler de timidité, de générosité, d’envie… car le vin est vivant, sensible, avec des qualités comme des faiblesses.

Voici une tentative de description de quelques dimensions auxquelles je suis sensible.

  • La sincérité et la simplicité

Pourquoi ces deux mots, pas vraiment dans les premiers critères du dégustateur ? La sincérité, ou encore la franchise, l’honnêteté recouvrent des notions proches. Les composantes d’une vertu qui me parle, l’attribut de celui qui n’a rien à cacher, mais aussi rien à démontrer. Sans maquillage superflu ni d’ajout esthétique, c’est un vin qui raconte d’où il vient, son terroir, son (ou ses) cépages, avec la simplicité naturelle avec laquelle il a été imaginé et ensuite conçu. Un vin sans esbroufe, ce qui ne veut pas dire simple ou simpliste. Un grand grenache de la région de Châteauneuf du Pape, avec ou sans l’AOP pourra avoir la même sincérité qu’un chenin angevin ou un mourvèdre provençal. Il se sait « vrai ».

Il n’a pas besoin de trop d’extraction et de tannins pour s’affirmer. Il est évidence. Parfois, il fera preuve de prudence, et malin, il mettra un peu de temps pour dévoiler toute la complexité et la subtilité de ses origines. Comme un ami, qui sait deviser avec vous sur des sujets profonds sans utiliser des phrases alambiquées, simplement avec des mots qui touchent et un sourire charmeur. Avec lequel on se sent bien. Il se délivrera alors lentement, couche par couche. Le paradoxe de la simplicité.

  • Le partage et l’éloquence

Les vins que j’aime se boivent à plusieurs. Je ne consomme ni déguste d’ailleurs jamais seul. Quand je débouche un flacon, modeste comme de noble lignée, j’aime sentir autour moi une même envie de découvrir, les sourires qui s’allument, voir les verres qui se tendent et se rapprochent, la première gorgée qui fait naître dans l’œil de mon voisin les mêmes émotions de surprise, de ravissement. La même communion.

Vous l’avez compris, je raffole des vins qui se partagent, sans trop de chichis ni de manière, et qui ont du verbe comme du caractère. Qui se racontent autant qu’il font raconter. Des vins qui ont une histoire qui, une fois contée, va en générer d’autres. Des vins qui communiquent leur savoir être et leur savoir vivre. Des vins qui relient par leur générosité et leur éloquence.

  • La signature et la singularité

Le vin est un liquide brillant et miroitant qui renvoie le reflet de qui s’y mire. Penchez-vous, en y regardant bien, on y verrait presque le sourire du vigneron (ou de la vigneronne) qui vous regarde, satisfait de voir que vous appréciez sa création.

Il n’est pas la résultante involontaire d’un heureux hasard de la nature, il existe dans votre verre car un jour un homme ou une femme l’a imaginé. En y mettant involontairement un peu de leur âme, si bien qu’il est souvent impossible de différencier l’un de l’autre, ou que l’un ne survive pas à l’autre. On a tous quelques exemples en tête.

Les vins que j’aime sont les vins des vignerons que j’aime, rencontrés le plus souvent au carrefour d’une rue imprévue. Ils portent tous la signature de la jeunesse, ou de la fougue, ou du délire, de l’opiniâtreté, de la recherche de perfection, du goût, de l’inconscience, de la folie créatrice de cet(te) ami(e).

Nous n’avons pas tous les mêmes amis, aussi les vins de Cep ne sont pour la plupart pas connus de beaucoup. Une chose dont je suis certain néanmoins, ils ont un tel pouvoir de contagion que vous aussi un jour, vous ferez leur connaissance. Ils sont aujourd’hui singuliers, ils deviendront alors pluriels.

Je vous invite à venir les découvrir.